Une étude canadienne suggère l’intérêt du sauna contre la maladie d’Alzheimer en se reposant sur une étude menée par des scientifiques finlandais. Geoffrey Canet, docteur à l’Université de Laval, à Québec, auteur de cet article, nous présente ses résultats.
Une équipe de chercheurs finlandais de l’Université de Kuopio a découvert, en 2017, que se détendre régulièrement dans un sauna pourrait protéger contre les troubles démentiels et la maladie d’Alzheimer. Pendant 20 ans, ils ont suivi plus de 2000 personnes et ont constaté que ceux qui utilisaient fréquemment un sauna avaient moins de risques de développer ces maladies.
Mais pourquoi ? Il se trouve que nos neurones produisent une protéine, appelée tau, qui peut devenir toxique si elle subit trop de modifications, appelées phosphorylation. C’est l’un des phénomènes caractéristiques survenant dans la maladie d’Alzheimer. La protéine tau subit une quantité anormale de phosphorylation, la rendant non-fonctionnelle et provoquant la mort des neurones. Dans notre laboratoire, nous avons découvert il y a plusieurs années que la chaleur pouvait jouer un rôle protecteur, empêchant la phosphorylation de la protéine tau. Nous avons donc émis l’hypothèse selon laquelle les bienfaits du sauna pourraient être dus à l’augmentation de la température corporelle, permettant ainsi de réduire la toxicité de la protéine tau.
Pour tester cette idée, nous avons utilisé des souris spécialement modifiées pour produire la même protéine tau humaine problématique. Après une séance de chaleur similaire à un sauna, les souris ont montré une augmentation de leur température corporelle d’environ 1.5 à 2 degrés Celsius, ainsi qu’une réduction significative de la phosphorylation de la protéine tau. De plus, l’application sur le corps des souris d’une solution chauffante au menthol nous a permis d’observer des résultats similaires.
Ainsi, l’étude, dont les résultats ont été publiés en 2022, suggère une nouvelle voie prometteuse pour la prévention de l’Alzheimer, en utilisant quelque chose d’aussi agréable et simple qu’une séance de sauna. Cette découverte est très excitante car en vieillissant, notre corps a tendance à moins bien produire de la chaleur, ce qui pourrait malheureusement favoriser l’altération de la protéine tau et l’apparition de la maladie d’Alzheimer. Donc, en plus de nous procurer une sensation de bien-être, les activités qui nous réchauffent, comme le sauna, l’exercice physique, ou même l’application d’un onguent chauffant, pourraient protéger notre cerveau contre les troubles démentiels et Alzheimer.
Bien que les bienfaits de la chaleur semblent prometteurs, il est essentiel d’aborder cette pratique avec prudence, en particulier pour les personnes âgées. Le corps des seniors régule moins efficacement la température, ce qui augmente le risque de surchauffe. C’est pourquoi une consultation médicale est vivement recommandée avant d’introduire régulièrement des séances de sauna ou l’utilisation de produits chauffants comme le menthol. Cette étape est cruciale pour s’assurer que ces activités sont non seulement bénéfiques mais aussi sécuritaires pour la santé de chacun.
En parallèle, notre équipe travaille avec des experts de la New York University pour pousser la recherche plus loin. Nous cherchons à comprendre comment utiliser la chaleur de façon optimale et sans risque. Ces études cliniques sont notre prochain jalon vers une utilisation sûre et efficace de la thermothérapie pour prévenir l’Alzheimer.
Références :
Laukkanen, T., Kunutsor, S., Kauhanen, J., and Laukkanen, J. A. (2017). Sauna bathing is inversely associated with dementia and Alzheimer’s disease in middle-aged Finnish men. Age and Ageing 46, 245–249.
Guisle, I., Canet, G., Pétry, S., Fereydouni-Forouzandeh, P., Morin, F., Kérauden, R., et al. (2022). Sauna-like conditions or menthol treatment reduce tau phosphorylation through mild hyperthermia. Neurobiology of Aging, S019745802200032X.
Geoffrey Canet
En tant que chercheur postdoctoral spécialisé dans l’étude de la maladie d’Alzheimer, le Dr. Geoffrey Canet combine ses connaissances à des approches techniques innovantes pour s’attaquer aux défis les plus complexes de la maladie. Expert dans l’analyse des facteurs de risque — du stress aux pathologies connexes, en passant par les troubles du sommeil et de la thermorégulation — le Dr. Canet s’efforce de démêler les fils qui tissent la trame de cette pathologie insidieuse. Ses travaux visent non seulement à élucider les mécanismes sous-tendant la maladie, mais aussi à identifier de nouvelles cibles thérapeutiques prometteuses. Le Dr. Canet a collaboré avec des équipes multidisciplinaires à l’échelle internationale, contribuant à élargir les horizons de la recherche sur Alzheimer et à ouvrir la voie à des solutions encourageantes. Son engagement envers la recherche est alimenté par un profond désir de faire une différence significative dans la vie des personnes affectées par cette maladie.